Quelles leçons tirer des recherches du Laboratoires de Chimie Bio-inspirée et d'Innovations Ecologiques ?
Savez-vous que les moustiques sont capables de nous repérer jusqu'à 70m de distance ?
Le Système Olfactif et Gustatif des Moustiques
Le système olfactif et gustatif des moustiques est complexe et très développé. Celui-ci est composé de nombreux organes (Figure 1) :
- les antennes et autres appendices céphaliques, qui sont principalement destinés à percevoir des informations à distance, c'est à dire des odeurs émises par l'hôte, comme le dioxyde de carbone, l'ammoniac et des acides carboxyliques (acide lactique).
- les extrémités de ses six pattes, qui sont spécialisées dans les informations de contact et de discrimination, c'est-à-dire le goût de l'hôte, caractérisé par les émanations de sa peau et de son sang.
Figure 1 - Mise en évidence des organes olfactifs et gustatifs chez les moustiques femelles (en vert)
Les organes olfactifs et gustatifs fonctionnent à l'aide de capteurs moléculaires, appelés récepteurs. Ils sont capables de reconnaître un grand panel de molécules odorantes et gustatives, permettant de les classer en trois catégories :
- les récepteurs olfactifs (OR)
- les récepteurs gustatifs (GR)
- les récepteurs ionotropiques (IR).
Ces récepteurs sont présents en très grand nombre chez moustiques. Il existe chez le moustiques tigre, par exemple, 158 OR, plus de 30 GR et 102 IR. Le nombre important de ces récepteurs témoigne de la complexité du système olfactif et gustatif des moustiques.
Cibler plusieurs récepteurs pour maximiser le pouvoir répulsif
Les répulsifs anti-moustiques ciblent un ou plusieurs de ces récepteurs, selon des mécanismes moléculaires encore peu connus. Ils peuvent limiter ou masquer la reconnaissance des odeurs de l’hôte, ou encore avoir un effet repoussant pour le moustique.1
Cependant, les molécules actives des répulsifs ne ciblent pas toutes les mêmes récepteurs. Par exemple, le DEET, répulsif synthétique le plus utilisé dans le monde et connu pour sa toxicité potentielle, désactive le récepteur OR2 alors que le PMD, répulsif naturel de référence, désactive le récepteur OR8 chez Aedes aegypti, un cousin de moustique tigre.2 Cette différence de cible moléculaire explique donc la différence de répulsion entre les répulsifs.
Ainsi, le laboratoire de recherche de Chimie Bio-inspirée et Innovations Ecologiques (ChimEco)3, à l'origine de l'actif Crusoé, a eu l’idée de combiner différentes molécules actives pour augmenter le nombre de récepteurs ciblés et ainsi augmenter le pouvoir répulsif. Avec pour objectifs de n’utiliser que des actifs d’origine naturelle, différents mélanges de molécules actives ont été testés comme modèle (Figure 2A).
L’ajout de 5% de citronellol puis 20% de géraniol au PMD a permis de tripler l’efficacité répulsive : 31% de répulsion en moyenne pour le PMD seul contre 92% en moyenne pour le mélange des trois molécules.4
Ces résultats très encourageants ont conduit le laboratoire ChimEco à développer le principe actif de Crusoé, comportant ces trois molécules clés à partir de ressources 100% végétales. Crusoé montre une meilleure répulsion que le DEET et le PMD, utilisés à 50% de leur efficacité maximale (ED50).
Crusoé a permis une répulsion quasi totale des moustiques tigres pendant 1 h, avec une efficacité moyenne et très reproductible de 83%, ce qui est près de deux fois supérieure au DEET et au PMD (Figure 2 B).
De plus, il est important de noter que l’utilisation répétée de répulsifs à base d’une seule molécule, comme le DEET, a engendré des moustiques qui sont devenus résistants ou insensibles. En effet, près de la moitié des moustiques femelles de l’espèce Aedes aegypti, déjà exposée une première fois au DEET, y devient moins sensible.5
La gamme répulsive de Crusoé, étant composé d’un mélange de principes actifs, offre une protection naturelle et efficace avec un risque minimal quant à l’émergence de résistance.
Références :
[1] J. T. Sparks, G. Botsko, D. R. Swale, L. M. Boland, S. S. Patel and J. C. Dickens, Front. Physiol., 2018, 9, 1309.
[2] J. D. Bohbot, L. Fu, T. C. Le, K. R. Chauhan, C. L. Cantrell and J. C. Dickens, Medical and Veterinary Entomology, 2011, 25, 436–444.
[3] ChimEco - UMR5021 - CNRS/UM - Chimie/Ecologie/Ecocatalyse - Grabels, https://www.chimeco-lab.com.
[4] World Intellectual Property Organization, WO2021005204A1, 2021.
[5] N. M. Stanczyk, J. F. Y. Brookfield, L. M. Field and J. G. Logan, PLOS ONE, 2013, 8, e54438.
[6] Vectopôle Sud Montpellier, http://www.vectopole-sud.fr/.