répulsif toxique anti moustique

LES EFFETS DU DEET SUR LA SANTÉ ET L'ENVIRONNEMENT

Le N,N-diéthyl-3-méthylbenzamide ou DEET est le principe actif des répulsifs anti-moustiques les plus utilisés dans le monde. Il s’agit d’une molécule synthétique, c’est-à-dire non naturelle et préparée par voie chimique.

Le DEET a longtemps été considéré comme la référence des répulsifs anti-moustiques. Historiquement il a été développé par l’armée américaine et a notamment été utilisé pendant la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, son efficacité reste encore difficilement battable : une solution de 20% de DEET procure une protection d’environ 8h contre Aedes albopictus, le moustique tigre.1

Cependant, ses effets secondaires sur la santé humaine et l’environnement sont souvent évoqués et font encore débat au sein de la communauté scientifique. En effet, bien qu’utilisé depuis plus de 50 ans, le mode d’action moléculaire du DEET n’a pas encore été complètement élucidé. Le DEET perturbe les systèmes olfactif et gustatif des moustiques, en les repoussant et/ou en masquant les molécules attractives de l’hôte.2 Cependant, le DEET agît également sur le système nerveux des moustiques et empêche le fonctionnement habituel de leurs neurones. Quelques confusions persistent aujourd’hui sur le type de cibles du DEET dans le système nerveux des moustiques, mais il est clair qu’il peut présenter un réel effet neurotoxique pour les moustiques.[*] Le DEET affecte notamment le système locomoteur du moustique et quelques microgrammes peuvent même conduire à sa mort en 24h.7

[*] Il semble aujourd’hui que l’acétylcholinesterase ne fasse pas partie des cibles privilégiées du DEET 3,4 mais il ciblerait plutôt les récepteurs octopaminergiques et les récepteurs muscariniques M1/M3 mAchR.5,6

Quelle est l'action du DEET sur les moustiques par rapport aux autres animaux et notamment les êtres humains ? 

Les scientifiques s’accordent tous sur un même point : le DEET est une molécule irritante pour la peau et les muqueuses, et une seule application peut suffire à provoquer une réaction allergique.7,8 En effet, cette molécule est capable de dégrader des fibres plastiques et synthétiques.9

En revanche, face à l’absence de preuves directes de toxicité du DEET chez l’homme, des désaccords persistent. Bien qu’une vingtaine de cas d’encéphalopathie aient été reportées par des médecins chez de jeunes enfants après application cutanée de répulsifs à base de DEET,10 certains chercheurs supposent qu’il ne s’agirait que d’une coïncidence.8,11 En 2001, une étude clinique sommaire sur des femmes enceintes en Thaïlande, dont la moitié a appliqué quotidiennement un répulsif à base de DEET, n’a pas montré de différence de croissance entre les nouveaux nés, et jusqu’à leur un an.12 Cependant, aucune donnée sur le développement cognitif des enfants n’a été réalisée, d’autant que plusieurs études ont montré que le DEET a été retrouvé dans le placenta des mères.8 De plus, une absence d’étude clinique sur le long-terme ne permet pas de conclure quant à la sureté de cette molécule.

Des études plus récentes au niveau cellulaire ont montré que le DEET pouvait agir sur de nombreuses cibles dans le système nerveux central et périphérique des mammifères et n’épargnerait donc pas l’homme.7 Le DEET aurait également un effet pro-angiogénique, c’est-à-dire qu’il stimulerait la prolifération, la migration et l’adhésion de cellules endothéliales impliquées dans la croissance de tumeurs.6

En plus de présenter des signes inquiétants de toxicité pour l’homme, les répulsifs à base de DEET ont un impact négatif sur l’environnement. En effet, le DEET étant une molécule non-naturelle, et sa préparation nécessite donc de le synthétiser par voie chimique. Cependant, cette préparation chimique repose sur l’utilisation de réactifs dangereux et générant de nombreux déchets polluants.

De plus, plusieurs souches de moustiques utilisés lors de tests de répulsifs en laboratoire ont montré une certaine résistance au DEET. Cette résistance peut être due à un phénomène d’apprentissage du moustique face au DEET. Près de la moitié des moustiques femelles de l’espèce Aedes aegypti, cousin du moustique tigre, déjà exposés une première fois au DEET, y deviennent moins sensibles.13 Cette résistance peut également avoir une origine génétique et conduire à une insensibilité totale. Ce type de résistance génétique peut alors se transmettre à la descendance du moustique et se propager sélectivement au sein de la population.14 Ce phénomène n’a pas encore été observé dans la nature, mais l’ANSES préconise d’ors et déjà une utilisation raisonnée du DEET afin d’éviter l’apparition spontanée de nouvelles souches résistantes au DEET.

Claire Grison - Ingénieur en Biochimie, Docteur en Chimie Organique et Rédactrice Scientifique

Références : 

[1] E. Lupi, C. Hatz and P. Schlagenhauf, Travel Medicine and Infectious Disease, 2013, 11, 374–411. (aucune publication plus récente n’a été trouvé sur l’efficacité du DEET)

[2] B. Shrestha and Y. Lee, Genes Genomics, 2020, 42, 1131–1144.

[3] V. Corbel, M. Stankiewicz, C. Pennetier, D. Fournier, J. Stojan, E. Girard, M. Dimitrov, J. Molgó, J.-M. Hougard and B. Lapied, BMC Biol, 2009, 7, 47.

[4] D. R. Swale, B. Sun, F. Tong and J. R. Bloomquist, PLoS One, 2014, 9, e103713.

[5] A. Abd-Ella, M. Stankiewicz, K. Mikulska, W. Nowak, C. Pennetier, M. Goulu, C. Fruchart-Gaillard, P. Licznar, V. Apaire-Marchais, O. List, V. Corbel, D. Servent and B. Lapied, PLoS ONE, 2015, 10, e0126406.

[6] S. Legeay, N. Clere, G. Hilairet, Q.-T. Do, P. Bernard, J.-F. Quignard, V. Apaire-Marchais, B. Lapied and S. Faure, Sci Rep, 2016, 6, 28546.

[7] S. Legeay, N. Clere, V. Apaire-Marchais, S. Faure and B. Lapied, European Journal of Pharmacology, 2018, 825, 92–98.

[8] V. Chen-Hussey, R. Behrens and J. G. Logan, Parasites & Vectors, 2014, 7, 173.

[9] J. H. Diaz, Wilderness Environ Med, 2016, 27, 153–163.

[10] G. Briassoulis, M. Narlioglou and T. Hatzis, Hum Exp Toxicol, 2001, 20, 8–14.

[11] G. Koren, D. Matsui and B. Bailey, CMAJ, 2003, 169, 209–212.

[12] R. McGready, K. A. Hamilton, J. A. Simpson, T. Cho, C. Luxemburger, R. Edwards, S. Looareesuwan, N. J. White, F. Nosten and S. W. Lindsay, Am J Trop Med Hyg, 2001, 65, 285–289.

[13] N. M. Stanczyk, J. F. Y. Brookfield, L. M. Field and J. G. Logan, PLOS ONE, 2013, 8, e54438.

[14] N. M. Stanczyk, J. F. Y. Brookfield, R. Ignell, J. G. Logan and L. M. Field, PNAS, 2010, 107, 8575–8580.

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